Le 8 Juin 2011
Le Département de l'Intérieur des États-Unis participe à une tendance nouvelle des plus alarmantes : le « crowdsourcing » de design.
Entendez-donc les cloches sonner, car la profession de designer de logos professionnel est mourante. Elle a subi une blessure grave ces derniers jours, une blessure qui pourrait bien s'avérer mortelle.
Qui est le coupable? Incroyable mais vrai : ce n'est nul autre que le Département de l'Intérieur des États-Unis, qui a récemment choisi la méthode du « crowdsourcing » (ou « externalisation ouverte » pour faire français) pour le design de leur nouveau logo. Pour ceux qui ne le sauraient pas, le « crowdsourcing » consiste à tenir une sorte de « concours ». Des centaines, voire des milliers de designers peuvent y participer, mais seul celui dont le logo sera choisi recevra finalement le paiement. Cette méthode est peu fiable et assez immorale, car elle contribue à la dévaluation brutale du travail des designers de logos. Le fait que le gouvernement des États-Unis lui-même l'emploie est de fort mauvais augure.
Mais comment ose-je critiquer le gouvernement des États-Unis? Après tout, c'est du Département de l'Intérieur qu'on parle, pas du département du… design!
Pourquoi les membres du Département devraient-ils se soucier des implications éthiques? Agir en esclavagistes en récompensant seul le designer qui (d'après eux) effectue le meilleur travail et laissant des centaines d'autres sans une miette, prenant soin au passage de donner un bon coup de pied à une profession qui est déjà en difficulté, ce n'est totalement pas égoïste, si?
J'imagine qu'employer des professionnels du domaine ne porte aucune importance non plus, pas vrai? Certainement des centaines de personnes employées, une au moins réussira à produire un logo qui sera, dans les mots du Département lui-même, « attrayant aux 70 000 employés du Département, ainsi qu'aux bouviers, aux mineurs, aux écologistes, aux fermiers, aux pêcheurs, aux historiens, aux chasseurs, aux Premières nations et autres tribus, aux producteurs de gaz et de pétrole délocalisés, aux enthousiastes de la nature (campeurs, randonneurs) et autres »? Je ne suis pas sûr comment planifient-ils choisir ledit logo parmi des centaines d'autres – bon nombre d'employés du Ministère devront probablement passer quelques jours à trier les logos, mais bon, ils n'ont probablement rien de mieux à faire de toute façon.
Évidemment, le gouvernement n'est aucunement concerné par les risques du crowdsourcing, correct? Sans même compter l'immense ironie du fait même que le logo du Département de l'Intérieur serait alors probablement crée par quelqu'un de l'autre côté de l'océan, il faut en outre se demander : en tenant compte de la difficulté de contrôler des designers si loin de l'Amérique, le gouvernement ne risque-t-il pas de se retrouver avec un logo volé, et ne causerait-ce pas un gigantesque scandale? Oh que si!
Le projet a à peine été amorcé, mais il est déjà en train de causer un scandale. Une pétition sur Change.org pour arrêter cette idiotie a déjà récolté 711 signatures. En obtiendront-ils suffisamment pour que le Gouvernement fasse demi-tour? Espérons-le, et continuons à signer.
Et dire que le gouvernement devrait donner l'exemple à ses citoyens! La fondation No-Spec, que nous avons mentionnée auparavant dans notre blog, résume la situation en quelques mots : ce comportement est « inacceptable en provenance d'une branche du Gouvernement des États-Unis ».